Le verlan qu'est-ce que c'est ?
Le verlan consiste à créer des mots
argotiques selon des procédés formels. Il s'agit d'un argot à clefs. Les formes
sont codées selon des principes préétablis.
a) Le mot verlan
Le mot vient de la verlanisation de
l'envers : verlan. Les syllabes ont été inversées et le nom peut faire donner
une fausse définition des codes du verlan.
Une erreur à ne pas commettre : pour beaucoup de personnes, le verlan
consiste seulement à inverser les syllabes. C'est exact pour un certain nombre
de mots simples comme métro et tromé, bizarre et zarbi,
mais les permutations ne concernent pas seulement les syllabes, elles peuvent
porter aussi sur les phonèmes ou les lettres normalement non prononcées. Les
procédés peuvent être encore plus complexes avec la reverlanisation (feuck à
partir de keuf, laisse tombe à partir de laisse
béton), la double verlanisation (chelaoim), des métathèses secondaires
(demeur à partir de deumer, merde), des verlanisations internes et incomplètes
(chewam, chez moi, chewat, chez toi), des fausses coupes et agglutinations
(rabza pour des Arabes).
b) D'où vient-il ?
Sûrement pas des cités de la banlieue ou
teucis. Il n'est pas non plus né dans les prisons durant les années 40,
contrairement à ce qu'affirme Le Breton. La première attestation du mot se
trouve chez Esnault en 1953. Le procédé est en fait plus ancien : Lontou pour
Toulon (début XIXe s.), Séquinzouil ou Louis XV (vers 1760), Bonbour (1585),
Sispi ou Pie VI (chez Louvet de Couvray en 1791. Plus généralement, le verlan
est un argot à clefs, il procède à des déformations de mots selon les mêmes
principes que ces argots à cette différence près que le procédé principal de
permutation repose sur l'inversion d'ensembles phonétiques ou graphiqueset non
plus simplement de phonèmes. Mais encore, le verlan se rattache au genre plus
vaste des jeux de langage comme l'anagramme. Or l'anagramme permet de brouiller
la compréhension des mots et elle a été utilisée dans l'argot dès le XVe
siècle. Marcel Schwob dans son Étude sur l'argot français cite l'exemple de
tabar (manteau) qui est l'anagramme de rabat (mot de même sens à l'époque) dans
Le Petit Testament de François Villon.
Une démarche strictement synchronique
attribue bien trop souvent l'invention ou l'usage du verlan aux jeunes vivant
dans les banlieues, de préférence parisiennes, généralement d'origine immigrée.
Il s'agit là d'une vision étriquée, naïve et sans nuance de réalités bien plus
complexes.
Le succès du verlan dans les couches
populaires et jeunes de la société, son emploi dans les films ou les chansons a
répandu l'usage du verlan bien au-delà des quartiers défavorisés ou d'une
partie de la population.
Les Inconnus s’en sont inspirés pour le
sketch La Z.U.P. ou le chanteur Kerredine Soltani s'amuse à "traduire" le langage des jeunes et moins jeunes d'aujourd'hui dans sa chanson Le Verlan.
Le verlan est, sans aucun doute, l'un des
procédés argotiques les plus productifs, mais c'est aussi parce qu'il est
fortement typé, aisément identifiable. Un grand nombre de termes ont donc été
repris par des jeunes de tous milieux sur tout le territoire. Ils sont pour une
part entrés dans le langage familier et ont depuis vingt ans perdus leur
connotation argotique.